Dans le catalogue de Noël, distribué par Monoprix, on trouve une sélection d’objets relativement originaux, choisis avec un certain soin pour leurs qualités plastiques, leur sex appeal et leur design, des accessoires high tech aux éléments de décoration. En observant avec attention ce résumé de la consommation hivernale, on perçoit immédiatement le positionnement du groupe Casino, son attrait grandissant pour les CSP+ et sa volonté de se démarquer de la grande distribution traditionnelle, jusqu’à ce que l’on tombe, médusé, sur les pages courageusement intitulées « culture ».
Là, on trouvera donc le cœur de ce qui fait la « culture » d’aujourd’hui, les livres qu’il vous faudra offrir pour les fêtes, mais si, souvenez-vous…les livres, enfin…ces petits trucs en forme de parallélépipède rectangle qu’affectionnaient tant nos grands-parents sans que l’on sache vraiment pourquoi. Vous vous attendez sûrement à rencontrer-là les prix Goncourt et autres Renaudot dont les bandeaux rouges sont autant de repères pour les foules qui affectionnent le prêt-à-penser, mais détrompez-vous, pour les cadres supérieurs qui font leurs courses chez Monoprix, entre le tarama bio et les mini bananes par avion, la lecture de Jérôme Ferrari pourrait inopinément provoquer un décollement de neurones.
Au milieux des agendas illustrés, des assiettes peintes et de Sophie la girafe, il faudra se contenter des secrets chics d’Ines de la Fressange ou des révélations historiques de Stéphane Bern.
Ce qui m’étonne le plus finalement, ce n’est pas que les classes laborieuses aient été abandonnées au dieu de la télévision (les pauvres sont là pour en baver de toutes façons), qu’on ait renoncé à l’éducation populaire, qu’on ait sacrifié des millions de gens sur l’autel de la consommation de masse, mais bien que la bourgeoisie se soit infligée un traitement similaire, satisfaite et contente d’elle-même. Ce n’est pas, comme je l’ai longtemps cru, au retour d’une aristocratie que nous sommes entrain d’assister béatement, mais à un suicide collectif qui englobe toutes les classes sociales.
Il ne resterait que trente librairies à New York, l’ère de la littérature est bel et bien terminée, mais dormez tranquilles braves gens, il y aura des Iphones 5 à Noël, du porno soft sous le sapin, de quoi « lire » et de quoi pleurer…
Vouez-vous laisser un commentaire ?