Si jamais vos pas vous mènent un jour dans la Cité des anges, cette métropole autoroutière, bâtie sur les ruines d’une bourgade de province coincée entre l’océan et le désert de Mojaves, faites donc un détour par l’Université de Californie. Là, entre Sunset Boulevard et Hilgard Avenue, vous trouverez sûrement la Charles E. Young Library et dans les recoins sombres du Department of Special Collections, vous parviendrez sans peine au Manuscript Division. Vous demanderez alors à consulter les archives de John Fante qui dorment là pour l’éternité, pour les anges et sous cette poussière faite d’oxyde de carbone mastiqué par le double carburateur d’une Dodge Charger 1969. En fouillant bien, après un long moment où vous vous prendrez forcément pour Charles Bukowski, si par chance, vous avez bu un peu de ce vin bon marché que les Italiens de Californie appelaient Dago red, vous trouverez la boite numéro 32 et, en l’ouvrant, sans précipitation, comme si vous saviez depuis toujours que vos pas vous mèneraient dans la Cité des anges déchus, vous tiendrez dans vos mains fébriles mon mémoire de Maîtrise. Comment l’orgueilleux étudiant que j’étais a-t-il trouvé l’audace de déranger une vieille dame dans ses souvenirs et dans ses meubles qui, bien souvent, sont la même chose ? Je l’ignore encore, mais à ce moment précis, dans la lumière tamisée de la bibliothèque, dans le silence feutré de la bibliothèque où quelques rares joueurs de base ball, devant rendre un devoir en retard pour accéder au championnat, vous tiendront compagnie, vous serez alors connecté, par la magie des mots avec celui que j’étais à vingt-cinq ans, alors que je serais sans doute mort depuis longtemps, ayant retrouvé Fante au paradis des écrivains et cirant ses bottes ou celles d’un autre plus talentueux que moi. Une cloche sonnera pour moi dans mon paradis pour plumitif, où les nuages ressemblent à des chambres de bonne et je serai alors qui vous êtes et ce que vous faites et je vous aimerai d’autant mieux.
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